Ce blog est le support de la "recherche action" menée par la Fédération nationale de l'agriculture biologique depuis 2011, par et pour les paysans bio, pour penser et proposer les modèles conceptuels d'une "nouvelle économie de l'AB" en action.

dimanche 19 avril 2015

une histoire de lait révolutionnaire

Assemblée générale de Biolait. Debat public des 20 ans, jeudi 16 avril 2015

600 personnes présentes pour ce débat organisé par Biolait pour ses vingts ans, la présence du vice président du conseil régional,  du député Yves Daniel et du sénateur Joël Labbé.



Marc Dufumier, président de la plate forme française du commerce équitable, est intervenu pour dire que cette "utopie" d'une filière bio qui remplacerait le conventionnel n’était pas une idée folle comme le dit le slogan de Biolait: "du bio partout et pour tous!". 145 millions de litres, 30% du marché et 1200 producteurs, 20 ans après les 6 fondateurs, l'entreprise est devenue un exemple du changement d'échelle attendue pour la bio. Non sans poser encore les questions fondamentales de la constitution du prix juste payé au producteur et des conditions des marges des intermédiaires jusqu'au consommateur. Un débat interne qui a fait l'histoire du collectif de producteur, de ses limites et des compromis actuels que sont venus rappeler quatre anciens présidents en tribune (le prix du cout de revient fonction de l'autonomie du système, le prix payé fonction des choix de mutualisation entre producteurs...).

Marc Dufumier a également posé la question de l'équitabilite de la filière du point de vue de l'accès des publics défavorisés aux produits bio. Il a souhaité que les pouvoirs publics s'engagent sur l'introduction de produits bio en restauration scolaire notamment. Il y a urgence a t-il dit à nourrir les générations futures avec des produits exempts de pesticides et de perturbateurs endocriniens. Il a proposé que la politique agricole commune puisse rémunérer les services d'intérêt général rendus par les agriculteurs même conventionnels des lors que leurs pratiques produisent effectivement des services pour la biodiversité et la protection de l'environnement.


Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab (ci-dessus en photo),  a rappelé que c’était précisément l'objet de la mobilisation du 17 mars dernier sur l'aide "maintien"; pour elle, les producteurs de Biolait portent bien ce rêve initial d'une organisation collective de production à même de pouvoir maitriser une partie de la filière dans la durée. En ce sens, le développement de la bio passe par des organisations économiques qui croient à la bio, c'est-à-dire qui développent des volumes pour développer des marchés. Une stratégie payante quand la demande est là,  plus risquée quand il faut trouver de nouveaux clients (et c'est dans une situation de risque qu'on mesure l'engagement...). C'est là que se joue notamment l'accompagnement des cédants et des porteurs de projets pour assurer la relève, ou encore la possibilité de soutenir les conversions des fermes laitières.

A ce titre, Marc Dufumier émettra aussi l'hypothèse d'une demande de bio soutenue par les récentes affaires de viande de bœuf qui n'en n’était pas... Il a fait rire l'assistance en se souvenant que le pouvoir d'achat des asiatiques les avaient rendus tolérants au lait... Mais que ce mirage de la poudre de lait devait se dissiper dès lors qu'on constatait l'ampleur des fermes usines ailleurs dans le monde et les investissements concurrentiels des industriels chinois en Europe. Nous ne serons jamais compétitif sur des productions tout venante. De la qualité et du local bio pour nourrir les villes. Quid de l'accessibilité? Changer radicalement l'économie pour que tout le monde puisse en vivre répondra t-il.

Un programme d'utopie réformatrice assumé et fort apprécié par les producteurs "rêveurs" de Biolait, fiers semble t-il des réalités qu' ils ont construit ensemble en 20 ans.

>> retrouvez notre lettres filières "lait": http://www.fnab.org/images/files/actions/filieres/lettresfilieres/lf03_lait.pdf

mardi 14 avril 2015

Prenez en soin de mon petit cochon rose, monsieur le ministre

La FNAB a organisé un colloque public lors de son Assemblée générale le 9 avril 2015 à Dunkerque. Le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a répondu présent à notre invitation, une arrivée qui n'a pas manqué de déclencher une demande d'audience de la part d'une délégation locale de la FNSEA. Entourés des forces de l'ordre, nous attendions sous le soleil l'arrivée du cortège républicain, toujours impressionnant, du ministre et négocions avec cette délégation son entrée dans le palais des congrès (drapeaux, pas drapeaux...).

(photo: Sarah Alcalay)






Deux délégations syndicales cohabitaient à quelques mètres l'une de l'autre, toutes deux dans l'attente du représentant de l'Etat encore investi de fonctions politiques et symboliques semble t-il indispensables aux mondes agricoles en tension. La FNAB avait choisi d'intituler son colloque "une ambition bio: réussir la transition écologique des territoires", tout un programme motivé notamment par la prospective du Nord Pas de Calais sur la 3ème révolution industrielle théorisée par Jeremy Rifkin (voir vidéo ci-contre pour l'exemple de la ville de Loos-en-Gohelle).

Chacun discourait avec son camp dans cette étrange ambiance inter professionnelle si proche (entre éleveurs) et si distante à la fois (entre organisations). Dans un intervalle, nous fûmes quelque uns à entendre le représentant de la FDSEA évoquer à ses troupes l'expression "d’acceptabilité sociétale de la compétitivité". Un tout autre programme en effet que la transition écologique des territoires. Un programme en soi mais surtout une stratégie dévoilée en une phrase choc. Quelques minutes après, le ministre arrivait et s'arrêtait devant la délégation en question. Nous pouvions assister, avec les journalistes, à la remise d'un petit cochon rose en plastique par un producteur demandant, non sans émotion, au représentant de l'Etat d'en prendre soin au nom de la filière qu'il représentait, fier de sa production et certainement inquiet pour son avenir.


Le colloque public fût l'occasion de parler d'économie agro-alimentaire dans une logique en transition, où les productions de qualité seraient écoulées dans des filières équitables et territorialisées (vidéo ci-dessus). Ce qui fit dire au Ministre Stéphane le Foll tout le bien qu'il pensait de la logique "je produit et on verra après" dès lors qu'il devait ensuite recevoir les mêmes responsables l'appelant à la rescousse car "j'ai produit mais je ne vends pas". Le colloque fut aussi l'occasion pour Stéphanie Pageot, Présidente de la FNAB, de rappeler qu'il fallait parler de "compétitivité plurielle" pour pouvoir justifier de "l'acceptabilité sociétale" pour des filières agro-alimentaires qui ne peuvent s'exonérer des conséquences environnementales et sociales de leurs activités (cf. l'étude MEDDE-CNRS sur le Nord Pas de Calais, ou la vidéo du colloque du 5 décembre 2014, article précédent).

Il y a, on le voit, de réels convergences d'intérêts entre des producteurs soucieux d'incarner une production locale de qualité et d'en vivre d'une manière cohérente. Il y a aussi de profondes divergences politiques et stratégiques sur le type de modèle économique pour y parvenir; avec au coeur du sujet, la place qu'on accorde à la société dans un débat démocratique sur l'économie agro-alimentaire que nous voulons pour nos territoires.
Julien adda