Ce blog est le support de la "recherche action" menée par la Fédération nationale de l'agriculture biologique depuis 2011, par et pour les paysans bio, pour penser et proposer les modèles conceptuels d'une "nouvelle économie de l'AB" en action.

vendredi 9 décembre 2011

Un exemple de modèle économique de transition: quand l'industrie s'empare de "l'économie verte"

Pour donner un exemple actuel de schéma de transition de type "capitalisme vert" évoqué par J-M.Harribey (voir post précédent), on peut citer la récente étude du "Cercle de l'Industrie" sur l'économie verte.

Cette dernière est définit clairement dans l'étude comme une phase de transition de type "création destructrice". L'étude n'hésite pas à rappeler en effet que dans un objectif de long terme , la situation devient optimale quand "(...) en langage économique, [on] internalise toutes les externalités environnementales dans les décisions économiques, afin de réduire les dommages environnementaux tant qu’il est moins cher de les éviter que de les réparer."

On le sait l'économie n'est jamais optimale en réalité. Comment faire pour déclencher la transition et faire du risque environnemental une opportunité économique? Pour la théorie, on peut lire dans le résumé la phrase clé suivante:

"Pour parvenir à maximiser les gains socio-économiques de la transition verte, y compris en obtenant une croissance nette positive, il est nécessaire de sécuriser les éléments de contexte sur lesquels on peut jouer. Trois critères contextuels critiques, que puissance publique et acteurs privés peuvent co-construire et orienter dans un sens favorable à notre économie sont déterminants : la maîtrise des risques régulatoires et systémiques ; les perspectives de profitabilité d’une réorientation vers des investissements verts ; et les marges de manoeuvre pour s’engager dans la transition."

Pour la pratique, on peut s'en référer à l'intense lobbying des industriels de la "chimie verte" sur les agrocarburants ou les "bioplastiques". Ainsi, conformément à ce qui est dit plus haut (la co construction public-privé d'un cadre sécurisé et profitable pour les investisseurs), on peut citer l'exemple de l'amendement déposé par G.Carrez et C.De Courson pour le projet de loi de finances 2012. Celui-ci, largement soutenu par le "Club des bioplastiques" (industriels chimistes dont BASF entre autre), prévoie d'accroître la compétitivité des bioplastiques en taxant les sacs plastiques actuels et en affectant les 250 millions d'euros récupérés auprès des consommateurs vers la filière. Cette collecte publique, bien entendu, serait le déclencheur des investissements industriels.

Ainsi, comme le dit Denis Ranque, du "cercle de l'Industrie", "la puissance publique reste essentielle pour pousser l'économie verte". Pour illustrer son propos, il cite la chimie verte au risque de fâcher "le Club des bioplastiques" et ses soutiens parlementaires: "Ce secteur représente 10% de l’emploi et du chiffre d'affaire d'Arkema. De plus, contrairement aux biocarburants, dans lesquels les pouvoirs publics ont des marges de manœuvre, le modèle économique de la chimie verte doit fonctionner seul pour que les industriels financent ce secteur."

Ces exemples de technologie verte dans l'industrie (biocarburants, bioplastiques) montrent comment les pouvoirs publics sont appelés  à solvabiliser de nouveaux investissements et marchés, sans remettre en cause le modèle agro-industriel à la source de la matière transformée (céréales notamment). La collectivité paye donc la transition technologique (eco taxes affectées), le "minerai agricole" (PAC) et les coûts de dépollution (eau, air, sol) afférents.

>> pour prendre connaissances des études économiques sur les conséquences du Grenelle, les études sur l'évolution des consommateurs, de l'offre industrielle, voir l'étude complète du cercle de l'industrie  ici
>> l'étude du Cercle de l'Industrie sur les 7 filières étudiées (dont biocarb et chimie verte): ici

mardi 6 décembre 2011

Dès lors, quelle transition pour quel modèle?

L'université populaire d'Arcueil organisait une conférence le 5 décembre 2011 sur le thème "Ecologie, économie: faut-il renoncer à la croissance?" avec la présence de Jean-Marie Harribey, économiste , ancien président d'Attac. 

Dans le cadre d'une carte blanche donnée à Henri Sterdyniack, co-fondateur du collectif des "économistes atterés", qui a rappelé la contradiction dans laquelle nous sommes aujourd'hui (besoin de croissance pour sortir de la crise et perception des limites de la croissance comme modèle de développement), Jean-Marie Harribey a plaidé pour une pensée muldimensionnelle de la crise (écologique, sociale, économique etc.) et donc une pensée multidimensionnelle des transitions à faire pour changer de modèle.

Il a pris à cet égard l'exemple de la "côtelette de porc" achetée peu chère car produite par une industrie agro-alimentaire spécialisée qui n'internalise pas les externalités négatives de sa production (algues vertes, problématiques sanitaires, pollutions de l'air etc.), lesquelles sont prises en charge par la collectivité. Cet exemple montre d'après lui qu'en l'absence d'internalisation - dans le prix - des coûts réels de la production, le pari d'une soutenabilité "faible" c'est-à-dire produite par les avancées technologiques des process industriels ne résoud pas le problème de fond du système capitaliste productiviste. Se pose donc là la question de l'intervention de la puissance publique (développement durable avec marché carbone? capitalisme vert? décroissance?).

Pour lui, pas de décroissance brutale donc, mais au contraire le besoin d'affecter les marges de manoeuvres budgétaires issues des gains de productivité vers les modèles de transition. Il y a donc des arbitrages démocratiques à réaliser sur les secteurs qui devront être soutenus au détriment d'autres pour assurer la réalisation de la transition. Pour lui, et c'est un des exemples, "l'agriculture productiviste doit diminuer au profit d'une agriculture écologique ou biologique". Il s'agit là d'une "bataille politique qui n'est pas perdue d'avance" tant les attentes sociales sont fortes sur ce domaine. Pas de révolution donc car les révolutions ont échoué précisément car elles n'ont pas pensé les transitions, le point crucial de la transformation.

une conférence de 55 minutes à écouter ici

vendredi 2 décembre 2011

Un élément de constat: la crise du modèle productiviste

Dans un entretien très riche réalisé en janvier 2011, Philippe Lacombe présente les trois remises en cause profondes du modèle productiviste conventionnel que nous connaissons, soit la logique de la "modernisation sans fin", de ses conséquences environnementales, et de l'approche néo-libérale avec la crise de confiance des marchés. Il propose in fine une politique agricole qui promeut la diversité indexée sur la création d'emploi.

>> écouter l'analyse de Philippe Lacombe

Une "nouvelle économie" bio?

Alors que la filière bio connait une croissance continue depuis plusieurs années, la fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) a engagé une réflexion stratégique sur cet enjeu de croissance qui place la filière, et les acteurs qui la portent, devant des choix stratégiques majeurs. 

La question stratégique a été ainsi présentée lors de l'assemblée générale de la FNAB en mars 2011 avec l'intervention notamment de Philippe Lacombe, chercheur INRA. Comment construire des filières efficaces et solidaires en AB? Telle était la question posée à cette occasion. On peut ainsi visionner les interventions des acteurs et chercheurs réunis ce jour là.

Dès lors, la réflexion stratégique a été organisée dans le cadre d'une "recherche action" avec les paysans bio pour penser et proposer des constats, des hypothèses et questions de recherche afin de relever ce défi d'une filière en croissance qui ne doit pas se dissoudre totalement dans l'économie actuelle du système agro-alimentaire en crise.